La crise économique liée au covid-19 et son amplification à venir nuit fortement à la culture de façon générale et, on a tendance à l’oublier, aux artistes en particulier.
Et ce n’est pas l’aide anémique de l’État qui va améliorer les choses.
Qu’en est-il ?
Coronavirus et crise économique
La situation générale
Artistes et Culture se retrouvent dans la même galère que toutes les autres activités.
Nul besoin de rappeler que la pandémie mondiale du coronavirus a engendré une crise économique dont les effets se sont fait sentir immédiatement et dont on perçoit au fil des semaines l’ampleur catastrophique :
faillites en série ou extrêmes difficultés pour un grand nombre d’artisans, TPE et PME engendrant une augmentation du chômage et de la précarité.
Annulation des festivals et arrêt des spectacles
Sur le plan culturel, force est de constater que l’on déplore avec fracas dans les médias nationaux, à juste titre, les annulations de spectacles, de festivals musicaux et théâtraux, l’arrêt des tournages et la fermeture des cinémas, des théâtres (lire ici ou là, par exemple).
On parle bien entendu des retombées économiques négatives supplémentaires liées à ces diverses annulations concernant le tourisme régional, les commerces, les emplois (saisonniers ou non), etc.
On interroge les organisateurs, directeurs et autres responsables sur les conséquences et le devenir des projets en cours.
Et le déconfinement prévu le 11 mai n’arrangera pas leurs affaires avant le mois de septembre 2020 (voir article).
L’art en suspens
Dans le domaine de l’art, on se navre également que les foires, expositions et autres salons artistiques sont contraints d’annuler leurs événements. Sans oublier la fermeture des musées.
Un bon nombre d’articles fait le constat amer que beaucoup de galeries d’art (près d’un tiers) fermeront définitivement leurs portes (lire ici ou là, par exemple).
Là aussi, on interroge les organisateurs de salons d’art ou les galeristes sur leur devenir.
Et les artistes dans tout ça ?
À la lecture de ces articles, on constate que dans leur grande majorité, on ne parle pas ou peu des artistes, on ne leur demande pas ou peu leur avis, on ne se pose guère de question sur leur futur.
Pourtant, il serait bon de rappeler que les artistes, musiciens, chanteurs, danseurs, comédiens, techniciens, intermittents du spectacle en tous genres constituent le « terreau », la « matière première » de la Culture.
Sans eux, pas de festivals, de cinéma, de théâtre, de spectacles, de concerts, de galeries d’art, de salons et expositions artistiques, etc.
Dans le secteur culturel, ce sont les artistes, qui, en première ligne, subissent et subiront davantage les conséquences de la crise. Ne l’oublions pas.
Les artistes sont-ils essentiels en temps de crise ?
S’il fallait s’en convaincre, la réponse est oui et avec un succès au rendez-vous qui plus est.
Depuis la nuit des temps et en toutes circonstances, les artistes ont toujours été présents dans le cœur des gens pour les divertir ou les émerveiller.
Rappelez-vous le nombre d’articles ayant relaté les diverses possibilités d’effectuer sur le net des visites virtuelles de musées, d’expositions artistiques, d’ateliers de quelques artistes, de découvertes d’œuvres classiques sur des applications appropriées…
Il y a même eu la création sur Instagram du premier musée en ligne consacré aux oeuvres dédiées au coronavirus : le Covid Art Museum.
D’ailleurs, on note qu’il n’y a jamais eu autant de connexions sur internet dans le domaine virtuel de l’art et de la culture.
Le confinement a éveillé la curiosité de beaucoup d’internautes, qui, en d’autres temps, n’en avaient pas la connaissance ou le temps de s’y intéresser.
Dans le domaine musical, c’est pareil.
Beaucoup d’artistes connus ou pas ont profité du confinement pour proposer des mini-concerts depuis leur domicile.
N’oublions pas non plus le succès des concerts de chanteurs amateurs sur les balcons ou ceux « orchestrés » par des DJs.
Des musiciens ont rencontré du succès en faisant des parodies de chansons connues, dont les paroles ont été détournées pour parler du virus :
La galère des artistes
En temps normal, beaucoup d’artistes, techniciens et intermittents avaient déjà du mal à joindre les deux bouts.
La crise du coronavirus et l’arrêt brutal du secteur culturel les plongent davantage dans la détresse.
La course effrénée du cacheton a été stoppée nette pour des comédiens.
N’oublions pas ces musiciens qui ne peuvent même plus jouer dans des bars (ceux-ci rouvriront au mois de juin, peut-être, et dans des conditions restreintes).
Certains d’entre eux ne peuvent plus donner des cours de musique à domicile ou dans des écoles de musique (à part par Skype éventuellement).
Ce sont aussi ces artistes peintres, dessinateurs, sculpteurs, etc. qui n’ont plus d’expositions, de galeries ouvertes, pour montrer et vendre leurs oeuvres.
Beaucoup ne se sont pas encore tournés vers la vente d’art en ligne (ce que font de plus en plus les galeries d’art), secteur en pleine croissance depuis 5 ans et qui devrait s’accélérer par la force des choses.
Ils n’ont même plus cette possibilité d’acheter du matériel, soit par manque de ressources, soit pour cause de commerces spécialisés fermés car déclarés comme non essentiels par le gouvernement.
Suspension et reprise à définir des cours de peinture, dessin, sculpture donnés par des artistes à domicile.
Certains vont perdre sans doute le petit boulot supplémentaire qui les faisait tenir jusqu’à présent.
La quasi totalité des artistes, selon un sondage, prévoient que leurs revenus vont baisser.
Coronavirus et l’aide au secteur culturel
Unesco et ResiliArt
La résilience est un terme très à la mode.
Pour rappel, en psychologie, elle définit l’aptitude d’un individu à se (re)construire, en dépit de circonstances traumatiques, d’une façon socialement acceptable et de ne pas ou plus vivre dans le malheur.
C’est pourquoi, lors de la première journée mondiale de l’art, le 15 avril 2020, l’Unesco a lancé le mouvement ResiliArt, dans le but de soutenir le monde culturel tout au long de la crise.
La crise sanitaire actuelle affecte toute la chaîne de valeur culturelle – création, production, distribution et accès – et affaiblit considérablement le statut professionnel, social et économique des artistes et des professionnels de la culture.
ResiliArt – Unesco
Les entrepreneurs et les petites et moyennes entreprises, qui n’ont souvent pas les ressources nécessaires pour répondre à une urgence de cette ampleur, sont particulièrement vulnérables.
Les travailleurs indépendants et les travailleurs à temps partiel qui constituent une grande partie de la main- d’œuvre du secteur créatif ont un accès limité ou inexistant aux mécanismes de protection sociale conventionnels.
Culture : le parent pauvre du budget français
L’aide psychologique, c’est bien, mais cela n’apporte pas l’essentiel que tout un chacun attend (se loger et se nourrir, subvenir aux frais professionnels entre autres).
La Culture représente un peu plus de 2% du budget total (et il n’est alloué qu’environ 3% de ces 2% à la sauvegarde du patrimoine, qui, on le sait, ne se porte pas bien du tout).
On parle donc d’une enveloppe d’un peu plus de 10 milliards d’euros annuels et cela comprend le secteur communication et audiovisuel, qui a lui tout seul empoche la majorité de ce budget.
Il ne reste donc plus grand chose pour les autres pans de l’activité culturelle.
Là aussi, crise oblige, le gouvernement a promis d’apporter des aides pour subvenir à tous les secteurs, y compris celui de la Culture.
Le 18 mars 2020, le Ministre de la Culture, Franck Riester, aux abonnés absents depuis sa nomination, qui n’entend « laisser personne au bord de la route », annonçait une aide de… 22 millions d’euros (!!!) répartie comme telle :
10 millions pour le secteur musical, 5 millions pour le secteur du livre et 5 autres pour les spectacles, et enfin, 2 millions pour les arts plastiques.
Bref, une aumône !
Le lendemain, 19 mars, ce sont quelques mesures supplémentaires qui sont apportées aux intermittents et salariés du secteurs culturel en décidant de neutraliser la période démarrant le 15 mars et s’achevant à la fin du confinement de la population française concernant :
– Le calcul de la période de référence ouvrant droit à assurance chômage et à droits sociaux pour les intermittents du spectacle (artistes interprètes et techniciens), afin de ne pas pénaliser les intermittents qui ne peuvent travailler et acquérir des droits pendant cette phase de l’épidémie du coronavirus.
– Le calcul et versement des indemnités au titre de l’assurance chômage pour les intermittents du spectacle (artistes interprètes et techniciens) et autres salariés (contrats courts…) du secteur culturel, afin que les personnes arrivant en fin de droit pendant cette phase de l’épidémie puissent continuer à être indemnisées.
Il a été rajouté par décret du 16 avril, le bénéfice du chômage partiel pour les intermittents du spectacle.
Juste de quoi tenir au mieux et partiellement selon les cas, jusqu’à la fin de l’année maxi.
Un communiqué de presse du 27 mars révélait un plan d’action supplémentaire d’un montant d’un milliard d’euros en faveur des artistes-auteurs.
Pour rappel, les artistes-auteurs sont les créateurs d’œuvres littéraires, dramatiques, musicales, chorégraphiques, audiovisuelles, cinématographiques, graphiques, plastiques, et photographiques.
Ils sont affiliés obligatoirement au régime général de sécurité sociale pour les assurances sociales et qui bénéficient des prestations familiales dans les mêmes conditions que les salariés (article L. 382-1 du Code de la sécurité sociale).
En substance, cet accompagnement se compose :
– D’une aide jusqu’à 1 500 € issue du fond de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par la crise.
– D’un report ou étalement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux.
– D’un étalement des dettes fiscales et sociales.
– Du bénéfice, dans certaines conditions, de prestations en espèce d’assurance maladie.
– Mobilisation de la garantie d’état afin d’assurer la continuité du paiement des auteurs d’œuvres représentées avant l’effectivité des premières mesures pour lutter contre le Covid-19.
Allemagne : une aide de 50 milliards d’euros pour la Culture
Puisque l’on compare souvent la France et l’Allemagne sur le plan économique ou, actualité oblige, sur la conduite à tenir face au covid-19, on constate que les aides gouvernementales à la culture en France sont bien anémiques par rapport à celles de notre voisin allemand.
Le pourcentage du budget dédié à la Culture en Allemagne est similaire à la France.
Cependant, le 23 mars dernier, la ministre d’État à la Culture, Monika Grütters, a qualifié les aides décidées par le gouvernement fédéral pour faire face au coronavirus de « parapluie de sauvetage pour le secteur culturel, créatif et médiatique ».
Elle a également ajouté :
« Notre société démocratique a besoin de son paysage culturel et médiatique unique et diversifié. Le courage créatif du créateur peut aider à surmonter la crise. Nous devons saisir toutes les chances de le rendre bon pour l’avenir.
Par conséquent, ce qui suit s’applique : les artistes ne sont pas seulement indispensables en ce moment, ils sont absolument vitaux. ”
Le gouvernement fédéral accorde une aide financière d’urgence sous forme de subventions, avec des coûts de fonctionnement immédiats tels que la location de cinémas, de clubs de musique ou de studios d’artistes.
Ce sont aussi des prêts pour des locaux commerciaux ou des locations à bail , avec une aide d’urgence pour les travailleurs indépendants et les petites entreprises du secteur culturel d’un montant total de 50 milliards d’euros.
Parmi les aides annoncées, on note que l’accès à la sécurité sociale de base et aux allocations familiales pour les travailleurs indépendants sera facilité pendant les 6 prochains mois.
Les dépenses de logement et de chauffage sont comptabilisées, c’est-à-dire que tout le monde pourra rester dans son appartement.
Le gouvernement fédéral et les municipalités fournissent jusqu’à 10 milliards d’euros supplémentaires pour cette mesure.
Monika Grütters : «Le secteur culturel en particulier se caractérise par une forte proportion de travailleurs indépendants qui ont maintenant des problèmes existentiels. Je suis donc heureuse de pouvoir dire : l’aide arrive le plus rapidement et le moins bureaucratiquement possible ! »
En conclusion
Il va sans dire que beaucoup d’artistes et autres acteurs de la culture française ne bénéficieront pas de la petite aide apportée, les critères demandés ne s’appliquant pas à tout le monde.
En attendant, quelques initiatives ça et là ont été organisées pour soutenir les artistes se trouvant dans la précarité.
À l’image de cette vente aux enchères de 450 oeuvres, #SoutiensUnArtiste, qui a lieu du 30 avril à partir du 18h00 jusqu’au 06 mai 2020.
Màj du 02 mai 2020 :
« Où est passé le ministre de la Culture ? » : le monde du cinéma lance un cri d’alarme.
Coronavirus : Macron annoncera mercredi 06 mai des premières mesures pour le monde de la culture, durement touché par la crise.